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UN ART D’HABITER

 

Il faudrait peut-être gratter les mots pour parler du travail de Kasia Fronczak.

Chercher, au delà de leurs empreintes leur transparence pour laisser apparaître l’évidence.

Une justesse est requise. L’équilibre semble fragile, ne tenir qu’à ces espaces, ces respirations qui animent cette coexistence de formes colorées venant se configurer les unes par rapport aux autres.

Les couleurs viennent sur l’espace de la toile comme l’on se déploierait au sein de soi, avançant avec prudence vers un nouveau lieu, insulaire.

Alors s’engage un art d’habiter.

L’intériorité devient paysage à parcourir, avec ses couches, ses strates, sa topographie. 

Les formes présentées deviennent champ, espace du regard, et nous ouvrent vers des paysages aériens, reflets de ces territoires intérieurs que l’artiste explore.

Derrière cette formulation se dessine la nécessité d’une justesse, d’une harmonie qui puisse permettre le passage à la méditation.

Dans l’économie du geste, à l’écart de l’agitation se dessine l’effort de rendre visible une perfection.

Se présente ainsi la quête d’une formulation fragile où fond, forme, couleur s’envisagent comme du vivant, dans leur plasticité. 

Imprégnée des paysages de sa terre natale, la Pologne, Kasia Fronczak s’éloigne de la couleur vive au profit de nuances qu’elle créée.

Les couleurs deviennent un champ de recherches capable de dévoiler un passage, un point de bascule.

Cette même volonté de rendre visible cette frontière tenue l’anime lorsqu’elle revient, toile contre toile, avec un chiffon, faire apparaître une couleur passée, d’arrière-plan, et nous ramène à un espace premier. 

 

Ces paysages que nous révèle Kasia viennent interroger notre rapport à l’extérieur, à l’être et au monde. Dans un aller-retour entre abstraction de l’extérieur, et transposition d’une intériorité, c’est tout un processus de révélation que nous offre l’artiste. Comme la photographie argentique qu’elle pratique, il s’agit de rendre visible un paysage intérieur latent; peindre comme l’on développe une photographie, transférer, révéler, arrêter, fixer, laver formes et couleurs afin de rendre visible un ensemble de perceptions.

Pauline Laurent